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L'Albanie et son peuple chaleureux

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Le 20 mai, nous entrons en Albanie, pays dont nous ne savons que très peu de chose. Les 18 jours passés à sillonner le pays n'ont pas manqué de nous enchanter, tant par des paysages que par un peuple exceptionnel.

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L'hospitalité dans les montagnes albanaises

Notre entrée à Schkodra (ville en bordure du lac du même nom faisant office de frontière) se fait dans un trafic chaotique, les voitures roulent dans tous les sens, sont stationnées n'importe où, et les vélos, très présents, roulent aussi n'importe où. Je manque plusieurs fois de me faire surprendre par un vélo qui arrive face à moi, en sens inverse de la route.

La ville est à l'image de son trafic : des magasins omniprésents à cheval sur le trottoir, du monde partout, une vraie effervescence. Nous sommes fascinés par cette ambiance. Les sonorités de la langue participent à notre dépaysement, avec des R à l'anglaise, E à la française, et des mots à rallonge.

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Le pays est majoritairement musulman, plus précisément bektachi : cette branche de l'Islam présente des rites bien différents de ceux que l'on attribut à l'Islam. Les minarets sont bien présents, mais la prière semble optionelle, peu de monde semble prier 5 fois par jour. Aussi, nous sommes surpris de découvrir que le cochon est l'animal emblématique des boucheries, pas de soucis avec la viande de porc ici.

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Encore abasourdis par ce choc culturel, nous sortons de la ville et demandons s'il est possible de planter la tente dans le jardin d'une maison en bord de route. Nous sommes alors accueillis dans une famille multigénérationnelle qui ne parle pas un mot d'Anglais, avec les grands-parents, parents et enfants. Deux jumelles de 11 ans, des cousines, nous rejoignent pour le repas. Elles font la traduction avec leur maigre vocabulaire d'Anglais et l'aide de Google Traduction. Le repas est bien sûr un festin. Nous avons des assiettes individuelles, alors que le reste de la famille mange directement dans le plat commun. On joue, on rigole, soirée extraordinaire sous ce toit albanais, la première d'une longue série. Pendant la soirée, la famille nous demande si nous sommes frère et soeur ou mariés. Nous disons que nous sommes en couple, mais non mariés. Ils n'ont pas l'air de comprendre notre réponse et nous font répéter. Ils finissent par appeler la belle-soeur qui parle un peu Anglais pour lui demander la traduction. Nous finissons par dire que oui, nous sommes mariés, et sentons le soulagement général.

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Au petit-déjeuner, nous avons le droit à des sortes de petits beignets avec de la confiture de prunes, du même genre que ceux qu'on avait déjà mangé à Pribilovići en Bosnie, délicieux ! Nous repartons la panse pleine en direction de l'Est, prévoyant de traverser la région au nord, relativement montagneuse. Le dénivelé se fait effectivement sentir dans les jambes, nous enchaînons quelques journées sportives perdus dans la montagne avec des températures plutôt élevées. De plus, nos sacoches sont particulièrement chargées, car on croise très peu de villages et de points de ravitaillement. Quelques très beaux paysages sont au rendez-vous, notamment lors de nos bivouacs.

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Pour entrer dans la ville de Kukës, nous sommes confrontés à un problème majeur : obligés de passer par une courte portion d'autoroute pour atteindre le pont d'entrée de la ville. D'après notre GPS, la seule alternative vélo est de faire un détour de 300 km. Vu les montagnes que nous venons de franchir, non merci. Heureusement, un tout petit chemin piéton semble rejoindre le pont. Nous voilà partis dans ce chemin, au début correct, puis de plus en plus sinueux, jusqu'à déboucher sur une décharge à ciel ouvert. Nous roulons sur les ordures, puis finissons par pousser le vélo. La suite est encore pire, nous dévalons un sentier étroit très incliné parsemé de rigoles très profondes, autant dire qu'on en sue sous ce soleil de midi. Si nous avions su ce qui nous attendait, nous auriez opté pour le petit kilomètre d'autoroute sans hésitation !

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Après avoir traversé la ville, nous prenons la direction du sud pour parcourir une route dont nos amis hollandais nous avaient vanté les paysages. Les points de vue sont effectivement au rendez-vous, nous sommes au pied de montagnes, des cours d'eau sillonnent et creusent le paysage tantôt verdoyant, tantôt rocheux.

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Nous arrivons à la ville de Peshkopi, un vrai souk ! Les magasins ont plus d'articles déballés sur les trottoirs qu'en intérieur, et pourtant, les marchandises sont stockées jusqu'au plafond. Un vendeur renonce à me vendre du PQ inaccessible. Les rues bouillonnent d'activité, des gens en balade, certains pressés, des enfants qui jouent, des mendiants, les terrasses de café pleines... Une vraie effervescence. De quoi oublier la période COVID. Nous remarquons de très nombreux magasins de robes de mariée, ainsi que des salles à louer, le mariage semble avoir une grande importance ici.

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Sur la route vers Tirana, nous faisons étape à Bulqizë, ville minière exploitant le chrome de ses montagnes. Nous sommes hébergés royalement dans une famille multigénérationnelle. Les cousins (garçon de 15 ans et fille de 18 ans) viennent passer quelques heures et discutent avec dans un très bon Anglais. Un des sujets qui nous surprend est la religion : "Ne me dites quand même pas que vous croyez au Big Bang !", nous disent-ils en opposition à la foi en Dieu. Nous avions déjà cru comprendre que c'était un sujet sensible dans la famille précédente. À l'avenir, nous serons catholiques.

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En donnant un bonbon au fils de 5 ans dans le jardin, il laisse tomber le papier à ses pieds sous les yeux de ses grands-parents : aucune réaction. C'est normal ici, il y a des déchets et décharges partout dans la nature. Nous ne rencontrerons le père de famille que le lendemain matin tôt, il est rentré du fast-food qu'il tient tard, et il s'apprête déjà à y retourner. Il nous explique que la vie n'est pas simple ici en Albanie, surtout si l'on veut vivre de manière honnête.

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Nous passons la journée à descendre une vallée remplie de petites parcelles agricoles individuelles : les hommes fauchent l'herbe à la faux, les femmes constituent des meules de foin de plusieurs mètres de haut. Quelques bœufs tirent des charrues. Ici, tout le travail est fait à la main, pas le moindre tracteur.

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Le soir, nous faisons étape au bord d'un petit lac isolé. Après avoir fait notre lessive et commencé à faire cuire notre repas, deux hommes arrivent, nous croyons comprendre que nous devons partir d'ici et ils ne nous laissent même pas finir notre cuisson, mince. Nous remballons tout précipitamment sous leurs yeux, avant de se faire guider dans une maison toute proche : ils voulaient en réalité nous inviter chez eux. Nous y passons encore une soirée extraordinaire, un vrai festin nous attend. Pendant une partie de la soirée, les hommes et les femmes sont séparés : je joue aux échecs avec le père en buvant de la rakia, l'alcool fort local distillé maison, pendant que les femmes (Aurélie, la mère et les deux filles de 19 et 20 ans) s'enferment dans une chambre pour parler de sujets "de filles" : mariage, épilation, maquillage, musique, condition de la femme... Elles étaient persuadées que je forçais Aurélie à faire ce voyage à vélo. On danse, on rit. Aurélie dort avec la mère dans le lit, alors que je dors dans le salon sur le canapé, et le père au sol.

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Nous repartons le matin après avoir refusé de partager une rakia matinale, ils nous offrent des loukoums et des roses. Nous entrons dans la banlieue éloignée de Tirana, le trafic se fait très dense, il fait chaud. Après toutes ces soirées exceptionnelles passées dans des foyers, nous sentons le besoin de rester seuls pour récupérer des heures de sommeil et coucher sur le papier toutes ces rencontres. Après avoir suivi une piste de terre sur quelques kilomètres, nous trouvons un endroit que nous estimons discret et satisfaisant. Finalement, plusieurs personnes passeront par là ce soir, parfois sortant littéralement des buissons. Des personnes s'adressent à nous à cinq reprises : on nous offre des prunes, on nous indique la direction d'une maison si besoin, on nous propose de venir boire un verre, on nous amène des couvertures. L'hospitalité des Albanais nous sidère. Même en nous cachant, ils arrivent à nous retrouver pour nous offrir des choses.

Les deux jours suivants, nous visitons la ville dynamique de Tirana, se démarquant très nettement du reste du pays. Nous découvrons une ville culturelle, cosmopolite, bien influencée par l'Europe. Nous retrouvons avec plaisir nos amis cyclistes hollandais avec qui nous passons une grosse demi-journée, nous échangeons sur nos trucs et astuces de voyage, et nos expériences mutuelles dans ce pays que nous avons découvert en parallèle.

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En essayant de bivouaquer à la sortie de la ville, une vache rebelle s'échappe et vient brouter à côté de notre tente. Quand sa propriétaire vient la récupérer, nous sommes bien sûr invités chez elle. Nous refusons d'abord par envie d'être au calme, mais cette réponse n'a pas l'air de lui convenir, nous finissons donc par accepter. Encore une magnifique soirée malgré la barrière de la langue : on mime, on fait des bruitages, on rigole énormément. Sadie nous laisse sa maison et son lit alors qu'elle va dormir chez sa voisine.

Le sud de l'Albanie : région touristique aux paysages méditerranéens

Nous continuons notre trajet en passant par la ville côtière de Durrës, puis par la charmante ville de Berat avec ses maisons ottomanes blanches "aux mille fenêtres" construites en quinconces sur une colline. Ayant du mal à trouver un endroit discret où dormir, nous demandons à un groupe d'enfant s'ils ont des recommandations. Ils nous amènent effectivement dans un bel endroit discret où ils ont l'habitude de se retrouver pour manger des sucreries à en croire les très nombreux emballages présents au sol. Le cortège d'enfants ayant grandi au fur et à mesure, ils seront entre 5 et 10 à passer la soirée avec nous. Certains disent quelques mots d'Anglais et en profitent pour nous poser des questions. Je me sens épié dans mes moindres faits et gestes par ces enfants très curieux, situation quelque peu oppressante. Trois enfants nous ramènent de la viande à griller, dans ce pays hospitalité et nourriture sont complètement liés, et ce principe est valable à tout âge.

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En retournant sur la côte, nous dînons à Vlorë avec Christine et Manu, deux cyclovoyageurs français aguerris avec qui nous étions en correspondance pour le passage de la frontière Albanie-Grèce, officiellement fermée. Nous passons un très bon moment avec eux, deux personnages hauts en couleur. Avec un déjeuner de 4 h 30, pas de doute, c'était une table de français.

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Un peu plus loin, nous recroisons Marieke et Niek (les Hollandais) avec qui nous prenons un verre. Ils ont décidé de payer un chauffeur pour amener leurs bagages en haut du col à franchir le lendemain pour se faciliter l'ascension, quels tricheurs ! Nous bivouaquons sur une plage à proximité de deux camping-cars, un couple d'Allemands et un de Tchèques, avec qui nous sympathisons pour la soirée. Ayant l'âge respectivement d'être nos parents et nos grands-parents, ils se montreront attendris et paternels avec nous, et nous offrirons des légumes grillés, du thé et du chocolat pour prendre des forces pour la montée qui nous attend.

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On peut dire que ce col de Llogara nous donnera du fil à retordre avec ses 900 mètres de dénivelé en 14 km. De quoi reconsidérer la technique de nos amis hollandais, on y réfléchira à deux fois la prochaine fois ! De l'autre côté du col, nous avons le droit à une très belle côte rocheuse, des maisons blanches et nous apercevons quelques églises à coupole bleue, on se croirait déjà en Grèce. La végétation a également changé assez brutalement, une sorte de garrigue méditerranéenne avec de nombreux agaves dépassant du paysage comme des asperges. Nous n'avions pas vu ça depuis la Corse. Les murs de jasmin étoilé présents dans les villages depuis notre entrée en Albanie sont toujours là pour le plus grand bonheur de nos narines.

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Nous atteignons la fameuse ville de Saranda, ville côtière où l'Albanie entière se retrouve en été. Nous sommes un peu déçus d'y retrouver une "simple" ville balnéaire à l'occidentale, alors qu'elle nous a été tant recommandée par les Albanais. Nous ressentons toutefois le besoin de faire une pause et y passons quelques jours, idéal pour rattraper notre retard sur le blog et pour ne rien faire. Nous commençons également à apprendre l'alphabet grec et à planifier notre itinéraire de manière stratégique avec l'été qui arrive.

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Après s'être fait rattrapés par Marieke et Niek, nous partageons avec eux un beau petit-déjeuner avant de se séparer de nouveau. Nous nous remettons en route et traversons la frontière de la Grèce par un petit chemin de montagne recommandé par Christine et Manu.

Nous quittons l'Albanie à la fois excités par notre arrivée en Grèce, et à la fois nostalgiques de ce pays aux beaux paysages, mais surtout à son peuple à l'accueil et à la générosité inégalable. Il nous aurait été difficilement concevable d'imaginer une telle gentillesse avant de traverser ce pays, d'autant plus qu'elle a été systématique.

Ces contacts ont irrémédiablement modifié notre vision de l'inconnu, de l'aide que l'on peut apporter à autrui, et du bonheur que cela peut procurer, tant à l'invité qu'à l'hôte.

L'Albanie est sans doute le pays le plus marquant que nous ayons traversé jusqu'à présent.

3 commentaires

#1  - marco a dit :

<3 ça fait plaisir à lire, mais vous avez encore un peu de boulot pour mettre ce blog à jour je crois :D

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#2  - Christine & Manu a dit :

A la lecture du blog que des bons souvenirs de l’Albanie parcourue à vélo.

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#3  - Frandrine a dit :

Hahaha, on rigole bien en lisant votre article ! On comprend tellement bien le besoin de se retrouver au calme, de faire profil bas pour pouvoir se reposer... Et ils vous retrouvent dans les buissons ! On adore!

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